Article du Figaro sur J. Kerviel

Société Générale : Kerviel «est prêt à s'expliquer»

S.L. et C.J (lefigaro.fr) avec AFP, AP
26/01/2008 | Mise à jour : 21:47 |
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Jérôme Kerviel (Photo DR).
Jérôme Kerviel (Photo DR).

Placé en garde à vue depuis samedi midi, le jeune trader, accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société Générale, «collabore et est prêt à s'expliquer» a déclaré le parquet de Paris .

Jérôme Kerviel qui est toujours en garde à vue, n'a pas cherché à se dérober à la justice. Le jeune homme de 31 ans que la brigade financière entend depuis le début de l'après-midi , «collabore et est prêt à s'expliquer», a indiqué le parquet de Paris. Le trader que la Société Générale, son employeur, accuse d'être à l'origine de la plus grave fraude bancaire de tous les temps, s'est ainsi «présenté spontanément aux services de police.

C'est ne voiture banalisée et fortement escortée qui a pénétré samedi en début d'après-midi au siège de la brigade financière de Paris pour y emmener le jeune homme n'était donc pas en fuite comme on pouvait le penser. D'après des sources judiciares, sa garde à vue de 24h devrait probablement être prolongée jusqu'à lundi et débouché vraisemblablement sur une mise en examen.

La police s'est par ailleurs rendue vendredi soir au siège de la Société Générale, dans la quartier de la Défense à Paris. La banque a remis aux enquêteurs des «pièces utiles», notamment des fichiers informatiques appartenant à Jérôme Kerviel, le «trader fou» dont les opérations boursières risquées ont coûté 4,9 milliards d'euros à la Société Générale, selon les affirmations de la banque. D'après le journal allemand, «der Spiegel», Jérôme Kerviel aurait investi massivement «il y a quelques semaines» sur le DAX, l'indice-vedette en Allemagne, achetant 140.000 contrats. Le DAX ayant baissé de 600 points entre le début de l'année et le 18 janvier, le trader aurait perdu environ 2 milliards d'euros dans cet investissement.

Deux plaintes sont instruites par le parquet de Paris, qui a ouvert une enquête préliminaire, confiée à la brigade financière. La première, contre X, a été déposée au nom d'un petit porteur pour «escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, complicité et recel». La Société Générale a également déposé une plainte pour «faux et usage de faux» et «atteinte au système de traitement automatisé des données». Si ces chefs d'inculpation sont retenus, le trader risque jusqu'à 5 ans de prison.

 

Scepticisme

François Fillon a réclamé au ministère de l'Economie un rapport «sous huit jours» pour tenter de lever les nombreuses zones d'ombre entourant cette affaire. La commission des Finances du Sénat compte pour sa part auditionner mercredi prochain le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. Le député UMP des Hauts-de-Seine Frédéric Lefèbvre annonce samedi qu'il souhaiterait l'audition de Daniel Bouton et du gouverneur de la Banque de France Christian Noyer devant la commission des finances de l'Assemblée.

Pendant ce temps, le scepticisme continue de régner sur la version défendue par le PDG de la Société Générale, Daniel Bouton, dans nos colonnes. La banque assure de Jérôme Kerviel aurait agi seul, parvenant à déjouer tous les contrôles et à miser des sommes colossales sur des prises de positions boursières risquées, obligeant la Société Générale à liquider en catastrophe et secrètement ces placements, ce qui pourrait avoir aggravé le plongeon des bourses mondiales en début de semaine.

Daniel Bouton réfute totalement les accusations de certains analystes, qui estiment que la banque cherche, au travers de cette affaire, à déguiser des pertes dûes à la crise des submprimes. C'est le cas notamment de Raymond Soubie, l'un des conseillers du chef de l'Etat, qui jugeait vendredi «très étonnant qu'une seule personne» ait pu miser autant d'argent sur les marchés.

En visite en Inde, Nicolas Sarkozy s'est voulu rassurant, évoquant «un problème interne» à la Société Générale, «qui ne touche pas la solidité ni la fiabilité du système financier français».

 

Royal évoque la «connivence des puissants»

Les réactions politiques se succèdent également. Ségolène Royal a dénoncé devant des militants «cette espèce de connivence, en haut, des puissants et de ceux qui jonglent avec les milliards pendant qu'à la base les petits ont du mal à vivre, à survivre». L'ex-candidate socialiste fustige un «lcapitalisme devenu incompétent, irresponsable, intolérable, désinvolte» et réclame «que les banques, grâce à une loi bien claire, cessent de se faire du beurre sur le dos des plus modestes».

Le mystere Kerviel

Fraudeur génial ou bouc émissaire, le mystère Kerviel

Dépêche de l’agence Reuters

image15h00

 

PPARIS (Reuters) - Décrit par le gouverneur de la Banque de France comme un génie de la fraude et du piratage informatique, par ses proches comme le bouc émissaire des dérives de la finance, Jérôme Kerviel offre à la justice l'une des énigmes les plus profondes de son histoire récente.

"Un terroriste, un escroc, un fraudeur", a dit de lui le président de la Société générale, Daniel Bouton.

 

"C'est un garçon comme il faut et qui n'est pas, selon moi, responsable de ce qu'on lui reproche. On lui fait porter un chapeau bien trop large pour lui", dit un membre de sa famille qui veut garder l'anonymat.

L'anonymat est en tout cas terminé à jamais pour ce jeune homme de 31 ans, dont la photo, extraite d'un site internet professionnel, a fait la "une" de tous les journaux mondiaux. Elle montre un homme brun, aux traits fins et à l'air sombre.

C'est lui qui, en misant 50 milliards d'euros sur la table de la finance mondiale, tout en se cachant de ses dirigeants pendant un an, aurait provoqué une perte historique de près de cinq milliards, contribué à déstabiliser les marchés lors du "mini-krach" récent et amené l'ensemble des dirigeants politiques à envisager un encadrement de la finance.

La direction de la banque ne lui impute aucun enrichissement personnel et ses motivations restent mystérieuses.

S'il n'est pas apparu en public depuis sa mise en cause publique par la direction de la banque jeudi, et semble avoir sous-loué son logement de Neuilly depuis un long moment, il ne s'est pas dérobé et il s'est présenté spontanément à la police financière samedi, où il "coopère", dit-on de source judiciaire.

Depuis la découverte de la "fraude" que lui impute son employeur et sa mise à pied le week-end dernier, le jeune homme ne va pas bien. Sa mère, qui vit à Pont l'Abbé, dans le Finistère, l'aurait rejoint à Paris, dit son entourage.

ÉTUDIANT TRAVAILLEUR

D'origine bretonne, il est né dans la classe moyenne, sa mère tenant un salon de coiffure à Pont l'Abbé. Son père, qui travaillait dans un centre d'apprentissage près de Quimper, serait décédé d'un cancer du foie il y a quelques années. Outre Jérôme, le couple a eu un autre fils.

Le trader travaillait pour la Société générale depuis 2000. Après une licence à Nantes, il a obtenu un DESS "Management des opérations de marché back et middle office" à l'Université Lyon-II en septembre 2000, une formation en alternance, quatre mois à l'université et huit mois en entreprise.

Un de ses enseignants de Lyon, André Tiran, a évoqué ces derniers jours un "étudiant sans problèmes, totalement normal" qui travaillait dur et avait de bons résultats.

Selon son CV publié par la presse, Jérôme Kerviel est un passionné de voile et de judo. En 2001, lors des dernières élections municipales, il figurait en position non éligible sur la liste du maire UMP sortant, Thierry Mavic.

A Neuilly, où il habite, les femmes l'ont remarqué. "Très beau et très froid, un bel homme, musclé, sportif", a dit à Reuters Isabelle Thomas, qui explique qu'elle vit dans l'appartement en-dessous de celui de Jérôme Kerviel.

A la Défense, ses collègues se sont vu interdire par la direction de parler de lui. Ceux qui acceptent néanmoins de le faire parlent d'un homme solitaire, qui n'avait pas pris de vacances depuis longtemps, restait tard au bureau.

"C'était juste un type normal. Quand j'arrivais le matin, il était là et quand je partais le soir il était toujours là. Ce n'était pas un génie ou quoi que ce soit dans ce genre. Il travaillait beaucoup". dit un collègue.

Il gagnait 100.000 euros par mois, salaire conséquent mais sans rapport avec les gains fastueux atteints par les hauts techniciens de la finance.

Avant d'être trader, il avait travaillé d'abord dans le "middle office", l'un des départements qui contrôlent les traders, ce qui lui aurait permis de connaître les systèmes de sécurité que la banque affirme qu'il a déjoués.

Lundi, Jérôme Kerviel pourrait être mis en examen, voire envoyé en prison.